Colloque international

Paris, HEIP, 24 – 26 janvier 2024

https://adalassociation.org/colloqueadal2024/accueil

En Amérique latine, la seconde décennie des années 2000 s’est soldée par l’irruption ou l’exacerbation de phénomènes climatiques, environnementaux et sanitaires, mettant en exergue des situations de tensions déjà existantes, comme la fracture sociale, économique et digitale. De plus, la migration transfrontalière est devenue une réalité qui touche l’ensemble du continent ; c’est le cas particulier du Venezuela, avec six millions d’émigrés dans d’autres pays latino-américains, ou de la Colombie qui, selon l’État, compte cinq millions de citoyens ayant quitté leur pays. Toutes les frontières du continent ont été touchées par des flux migratoires accrus  venus des Caraïbes, mais aussi d’Afrique  générant, entre autres, des phénomènes de xénophobie entre les migrants et la population des pays d’accueil. À l’origine de cette situation se trouvent non seulement des conditions politiques difficiles, comme l’impunité et les violations des droits de la personne, mais aussi sociales, marquées par la pauvreté, la violence, la précarité de l’emploi et des discours sécuritaires, négationnistes ou xénophobes, touchant l’ensemble du sous-continent et engendrant une dynamique politique qui oscille, au travers de deux décennies, entre l’élection de gouvernements qualifiés de gauche et de droite.

En outre, la pandémie de COVID-19 a aggravé les conditions des centaines de milliers de travailleurs précaires, des chômeurs (presque 10 % en moyenne), des travailleurs informels (53 % selon l’OIT), etc. Ces populations ont subi les confinements sans bénéficier de l’aide gouvernementale et sans avoir la possibilité de sortir pour chercher leur subsistance quotidienne. La difficile situation sociale pré et post-pandémie est le scénario des mobilisations collectives des plus démunis et des demandes d’élargissement des droits  pour les minorités sexuelles, les communautés indigènes et afro-descendantes, entre autres. Protestations et révoltes sociales dans plusieurs pays du continent, comme au Chili (2019-2021), par exemple, ou en Colombie (2019-2021), annoncent une force sociale qui réclame des changements structuraux.

Dans ce contexte, différents discours ont émergé. D’une part, ceux de divers acteurs sociaux qui s’imposent comme locuteurs légitimes d’une scène politique de laquelle ils étaient pourtant marginalisés (Corten, Huart et Peñafiel, 2012) ; et, d’autre part, ceux des gouvernements successifs qui ont été obligés de répondre de leurs actes et de justifier leurs actions. Un flux discursif s’opère ainsi de part et d’autre dans l’objectif d’argumenter et de justifier leur « légitimité » dans l’action déployée. Bien que ces énoncés s’inscrivent dans un contexte spécifique, ils créent des conditions de mobilisation et d’action plus élargies vis-à-vis de nouvelles réalités sociales et politiques. Or les discours de ces acteurs entrent en compétition dans la lutte pour imposer leur interprétation de la réalité et leur conception de la « vérité ». Ainsi, en se proposant comme clé de voûte pour la compréhension de la crise (ou des crises), ces discours participent à leur tour à la construction de la réalité.

En considérant que la représentation du réel du monde politique et social est construite dans et par le discours, ce colloque international cherche à établir un éclairage sur la manière dont les discours institutionnels et non institutionnels, individuels et collectifs, participent à la construction des différentes réalités en Amérique latine face à ces événements. Il s’agit d’observer comment les diverses constructions discursives obéissent à des conditions socio-historiques et sont ancrées dans la réalité à partir de procédés discursifs spécifiques. Ceux-là se manifestent, par exemple, par l’utilisation de formules (Krieg-Planque, 2009) et mettent en évidence le processus de nomination et de désignation qui opèrent afin d’atteindre un but (Cislaru, Guérin, Norim, Née, 2007).

Il est donc question à la fois d’observer les discours considérés comme institutionnels [Instituere] – l’ensemble des discours que l’on peut considérer à des degrés divers comme des discours « autorisés » émanant d’une institution (Oger et Ollivier-Yaniv, 2003), – et les discours non institutionnels – ceux des acteurs sociaux qui produisent des discours sur eux-mêmes et sur leurs conditions d’existence.