
Par: Frédéric Lefèvre, Doctorant en Histoire Laboratoire Sedet / Université de Paris 7
Manuel de lecture « Evita »
Le Manuel de Lecture de 1953, intitulé “Evita”, conçu par Graciela Albornoz De Videla, et destiné aux enfants du premier Degré inférieur, met en avant Eva Perón, ou plutôt l’icône Eva Perón-Evita, présentée tout à la fois, comme la Mère, comme la protectrice, et bienfaitrice du Peuple (Aide sociale, Fondation Eva Perón, action en faveur des enfants, des vieillards …), comme la “Chef spirituelle” du Peuple, comme une Sainte, au point de donner lieu à un véritable culte populaire (icône, et prières …). Ceci participe d’une forme de religiosité péroniste, qui tend à faire d’Evita le personnage central d’un culte catholique “péronisé”. Dans la mort, Evita, “depuis les cieux”, continue à veiller sur les siens, “ses enfants”, sur le peuple argentin, et à faire l’objet de ce culte populaire. Il faut préciser qu’à cette époque, c’est-à-dire vers 1953, le discours péroniste s’est déjà affranchi de la tutelle de la référence catholique (le tournant se situe vers 1950). C’est aussi le moment où le Régime et l’Eglise vont véritablement s’éloigner l’un de l’autre, mettre fin à leur alliance, jusqu’au conflit ouvert de 1954-1955.
Juan Domingo Perón est lui aussi présent dans cet ouvrage, et même s’il n’est pas ici le personnage principal, il n’en est pas moins présenté comme le Leader incontestable, et incontesté du Régime péroniste, de l’”Argentine nouvelle”, qu’il est d’ailleurs censé représenter. Le Manuel prend d’ailleurs bien garde d’éviter toute équivoque, puisqu’il fait référence au renoncement d’Eva Perón (cf. Page “Jour du Renoncement”), lorsque celle-ci a renoncé à la candidature à la Vice-présidence, en vue des élections présidentielles (1951). Perón apparaît d’une manière logique, et symétrique, comme le “Père du Peuple”. Il est aussi le “Libérateur de la République”, ce qui tend à l’inscrire dans la continuité de grands personnages historiques, c’est-à-dire celle des héros de l’indépendance nationale, tels San Martin, ou Belgrano. Le Leader péroniste est leur digne héritier, le continuateur de leur œuvre. Il est le garant de l’indépendance nationale : notamment de l’indépendance économique (Déclaration de 1947). Perón est aussi le réalisateur, celui qui met en œuvre les politiques de développement de l’ “Argentine nouvelle” : droits des travailleurs, nationalisations (chemins de fer, compagnie maritime nationale, etc.), remboursement de la Dette, etc. Le Manuel insiste aussi sur les célébrations et commémorations péronistes : notamment sur la célébration du premier mai, “jour des travailleurs”, préexistante au péronisme et “péronisée” ; celle du 17 octobre, “jour de la loyauté (populaire)”, qui célèbre un épisode essentiel de la “geste péroniste”, c’est-à-dire la mobilisation populaire en faveur de Perón, le 17 octobre 1945, considérée par les péronistes, comme l’acte de naissance du mouvement péroniste ; et, enfin, la commémoration du “jour du renoncement”, en souvenir du renoncement d’Eva Perón à la candidature à la Vice-présidence, le 31 août 1951.
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